Partant du constat fait par une institution de la République quant au contenu différencié de l’enseignement de l’esclavage proposé aux élèves selon leur horizon géographique et leur passé par rapport à la République, une journaliste exprime ici son indignation (Télérama n° 3693, du 24 au 30 octobre 2020). Un texte à lire et à relire pour les parents et surtout les professeurs d’histoire de la métropole. Quand on le lit, un constat s’impose : tant que l’enseignement de l’esclavage ne fera pas partie de la formation universitaire des professeurs d’histoire, tant que les manuels scolaires feront foi dans leur pratique, ces enseignants de la métropole ne feront qu’obéir à des directives politiques au lieu d’enseigner l’histoire de la traite et de l’esclavage des Noirs dans les Amériques.
Un article de Lorraine Rossignol
« Cette douloureuse page d’histoire n’a pas la même importance selon le profil des élèves auxquels elle s’adresse : c’est le constat de la Fondation pour la mémoire de l’esclavage, dans une note publiée le 9 octobre. Là où les lycées d’Outre-mer et les filières professionnelles de métropole ont droit à un véritable enseignement en la matière – approfondi, nuancé, contextualisé – les établissements généralistes se contentent toujours d’un rapide survol du sujet (qui, en gros, se résume à l’évocation du commerce triangulaire et à l’abolition de 1848). »
C’est exactement ce que nous avons constaté dans les manuels scolaires des collèges qui privilégient la notion de commerce triangulaire afin de donner bonne conscience aux Européens ; ainsi, pour les jeunes de l’enseignement général, il ne s’agit que d’acheter et de vendre. Mais pourquoi l’État français fait-il une différence entre, d’une part, les élèves d’Outre-mer ainsi que ceux des lycées professionnels et, d’autre part, les élèves des établissements d’enseignement général de la métropole, en proposant aux uns et autres des contenus différents sur un même sujet ? La réponse est dans la suite de l’article.
Pourquoi ce distinguo ? Parce que, pour dire les choses comme elles ne sont justement jamais formulées, les premiers auraient essentiellement pour public des « descendants d’esclaves », là où les seconds seraient fréquentés par des « descendants de dominants » (ou du moins des héritiers de cette société française impérialiste enrichie grâce à l’esclavage) ? Ce qui signifie que ces derniers ne seraient pas autant concernés par cette histoire, qui serait un petit peu moins la leur… Sidérante attention de l’Education nationale, dans son impensé ! « Au-delà du fait qu’elle racialise les élèves et continue donc à les assigner à des identités perpétuées, elle pose la question de la mémoire que nous voulons ou pas partager », souligne Myriam Cottias, qui dirige dans la banlieue nord de Paris le Centre international de recherches sur les esclavages (Ciresc). Comment se comprendre en effet, et donc pacifier une société plus travaillée que jamais par ces questions mémorielles étouffées si une part de notre histoire commune n’est pas transmise de la même manière à tous ?
Edifiant, n’est-ce pas ? Inutile donc de nous perdre dans des commentaires. Notons tout simplement qu’après le film-documentaire d’Amandine Gay – « Ouvrir la voix » (2017) – ceux qui douteraient encore qu’en France métropolitaine les orientations des élèves sont largement influencées par la couleur de la peau ont désormais matière à réflexion.