DISCOURS DU PRESIDENT DE « LA FRANCE NOIRE » – Commémoration de l’abolition de l’esclavage mai 2023

DiscoursMadame et Monsieur les Conseillers départementaux : Mme Frédérique Colas / M. Philippe Burier

Monsieur le maire honoraire de la ville de Joigny : M. Bernard Moraine,

« La France noire » se réjouit de votre fidélité à cette cérémonie nationale qui est l’une des rares occasions d’évoquer un pan de notre histoire commune ayant contribué à forger la diversité nationale.

Monsieur le maire,

merci d’avoir rappelé aux responsables des établissements scolaires de Joigny la date anniversaire de la loi dite Loi Christiane Taubira reconnaissant la traite et l’esclavage des Noirs comme crime contre l’humanité. Après avoir évoqué dans cette adresse notre exposition qui sera visible du 13 au 19 mai dans le hall d’honneur de la mairie, vous avez tenu à leur préciser votre sentiment personnel en ces termes : « Je souhaite que les jeunes générations se rappellent ces pages sombres de notre histoire. Et vous avez ajouté – Dans la suite de cette manifestation, je serai très heureux si vos élèves pouvaient visiter cette exposition ».

Monsieur le maire,

Ce rappel de ce qui EST (ou doit être) fait plaisir d’autant plus que nos gouvernants et les responsables de nos institutions ont tendance, quand l’indifférence ou le mépris s’installe, à oublier de rappeler à tous les citoyens la direction que la République a choisi de suivre. La commémoration de l’abolition de l’esclavage décidée par la République ne doit pas être considérée comme une anecdote vouée à l’indifférence puis à l’oubli. Les événements que rappelle la manifestation d’aujourd’hui ont participé à la formation de la France ; et leurs héritages sont encore vivants. Les héritages de ces événements ne se lisent pas seulement dans la géographie actuelle de la France éclatée sur plusieurs continents et plusieurs océans ; ils se lisent aussi dans les monuments des villes comme Bordeaux, Nantes, la Rochelle, Bayonne, le Havre, Saint-Malo, Paris, Orléans, Marseille. Et aujourd’hui, dans plusieurs de ces villes sont organisés des circuits dits négriers pour découvrir la richesse de la France générée par l’esclavage des Africains. Et c’est une très belle leçon donnée à ceux qui ont voulu tourner la page de cette histoire sans la lire. A ceux-là, nous disons qu’ils n’ont pas le droit d’empêcher la jeunesse de connaître ce passé de la France !

ChoraleMesdames et Messieurs les conseillers municipaux,

Mesdames et Messieurs les présidents et représentants des mouvements associatifs, chers amis,

Si j’ai tenu à relever ce rappel de Monsieur le maire aux représentants locaux de l’Éducation nationale, c’est parce que cet appel à se souvenir est un devoir républicain qui est allègrement négligé. Si la première circulaire relative à la commémoration de l’abolition de l’esclavage signée par le Premier Ministre en avril 2008 reste imprécise quant aux structures chargées de l’organisation des manifestations locales, depuis 2021, cette circulaire du Premier ministre ou de la Première Ministre aux préfets et aux recteurs d’académie leur demande d’inviter les maires et les chefs établissements scolaires à consacrer une journée à la commémoration de l’abolition de l’esclavage. Donc tous les ans, depuis 2021, cette circulaire dit explicitement ceci : « Le mois de mai est devenu le Mois des Mémoires de l’esclavage et de ses héritages. C’est en effet durant cette période qu’interviennent les deux journées nationales aujourd’hui fixées par le calendrier républicain – le 10 mai, la journée nationale des mémoires de la traite, de l’esclavage et de leurs abolitions […] et le 23 mai, la journée nationale en hommage aux victimes de l’esclavage » ; journée qui se décline en des dates différentes dans les îles françaises des Amériques et de l’océan Indien. Plus loin, la circulaire s’adresse aux préfets en ces termes : « Vous diffuserez la présente circulaire à l’ensemble des maires de votre département, en les invitant à organiser une cérémonie similaire, ou tout autre initiative, notamment culturelle, en rapport avec la mémoire de l’esclavage et l’histoire des relations entre la France, l’Afrique, l’Amérique, les Caraïbes et l’océan Indien […], soit le 10 mai, soit le 23 mai, soit à une autre date à choisir par la municipalité, à l’intérieur des limites du Mois des mémoires (c’est-à-dire entre le 27 avril et le 10 juin) ».

La recommandation est claire et le calendrier très large pour permettre à chaque municipalité, à chaque établissement scolaire, de se souvenir par la marque qui lui convient. Dans l’Yonne, il serait bon de savoir quelle autre municipalité que la ville de Joigny consacre du temps à cette mémoire commune. Toujours dans l’Yonne, quels sont les établissements – mis à part trois ou quatre – qui se montrent soucieux de la transmission de cet héritage aux jeunes générations ? Or les jeunes sont les héritiers de notre histoire. Retenons tous qu’un héritage, qu’on le veuille ou non, on doit savoir qu’il existe et connaître sa teneur. C’est une obligation ! Quand vous avez pris connaissance de l’existence d’un héritage, vous pouvez décider de l’exploiter, de le développer dans votre intérêt ou en mémoire du disparu qui représente votre histoire ; vous pouvez aussi choisir de ne pas en profiter (La langue, un héritage – par l’écrivaine Liss Kihindou). Mais personne n’a le droit de refuser d’avoir connaissance de l’héritage laissé par ses aïeux ! Ce qui veut dire que nul n’a le droit de priver les jeunes générations de leur héritage historique touchant l’esclavage des Noirs et la colonisation de l’Afrique ! Il faut obligatoirement qu’ils en aient connaissance ! Ce qu’ils en feront plus tard est leur affaire !

Voilà pourquoi cette exposition de La France Noire est régulièrement reçue pendant l’année scolaire par certains collèges et lycées pour contribuer à l’instruction des jeunes. Elle est depuis novembre 2022 homologuée – comme nos deux autres expositions – par l’Éducation nationale dans le cadre de son dispositif Pass culture et donc conseillée à tous les collèges et lycées de France. Elle participe non seulement à l’instruction des jeunes mais elle est aussi un outil de commémoration de l’abolition de l’esclavage dans les établissements scolaires. c’est ainsi que cette année La France noire a été invitée par le lycée du Dauphiné à Romans-sur-Isère dans la Drôme pour une manifestation commémorative magnifique qui témoigne d’une réelle volonté d’ancrer l’esclavage des Africains dans notre récit national afin que n’importe quel Noir ne soit pas vu comme un immigré, un étranger. Oui, il y a heureusement en France des établissements scolaires qui commémorent tous les ans l’abolition de l’esclavage par des manifestations de leur choix et sont prêts à accueillir notre exposition.

Cette exposition qui vous est proposée est construite en trois parties :

° L’organisation de la traite à partir des comptoirs ou forts gérés par les émissaires des royaumes européens et les résistances africaines à ces forces militaires possédant des armes à feu que les Africains ignoraient.

° Les résistances des captifs africains pendant la traversée vers les Amériques.

° Les différences formes de résistance des esclaves africains dans les Amériques.

Mais pour bien comprendre cette exposition, il faut se poser les bonnes questions.

A – Qu’est-ce que l’esclavage ? En d’autres termes, qu’est-ce qu’un esclave ?

L’esclavage, c’est l’exploitation de la force physique de l’autre pour son profit personnel. Vous faites de quelqu’un un esclave quand vous le faites travailler mais qu’ensuite vous vous appropriez le fruit de son travail. L’esclavage est donc une histoire universelle. Partout dans le monde – hier comme aujourd’hui – des hommes ont subi l’exploitation par d’autres. Les Africains ne sont pas les seuls peuples de la terre dont la force physique a été exploitée par d’autres. Voilà pourquoi notre exposition ne présente pas des esclaves africains au travail.

En remontant à l’origine du mot « esclave » les choses deviennent encore plus claires.

B – L’origine du mot esclave” :

° Le mot esclave est un terme européen dérivé d’un mot désignant les populations d’Europe centrale : LES SLAVES (Ukraine, Biolorussie, sud la Russie actuelle, Pologne la Tchéquie, la Slovaquie). ° Que s’est-il passé avec les Slaves ? Au Moyen âge, le commerce maritime se développe autour de la Méditerranée avec la multiplication des galères qui sont d’immenses navires à rames. Entre le VIIIe et le XVIIIe siècle, les Européens vont enlever des populations slaves pour les faire travailler sur les galères. Bien sûr, d’autres populations européennes seront aussi condamnées aux galères sur la Méditerranée, mais les Slaves seront les plus nombreux.

Avec le temps et on assiste à la déformation du nom « slave » qui devient « esclavus » en latin et « esclave » en français. « esclavus » va donc remplacer le mot « SERVUS » qui – depuis l’antiquité – veut dire serviteur et qui a donné en français le « serf ». En résumé : « esclave » va remplacer « serviteur ou serf », et le mot « esclavage » va remplacer le mot « servitude ».

Les Africains ne sont pas des Slaves mais vont hériter de la déformation du mot. D’ailleurs en Anglais le mot « slave » n’a pas été déformé : on parle bien de « slaves » en anglais.

Mais alors, me direz-vous, si les africains n’ont pas été les seuls êtres humains dont la force physique a été exploitée pour enrichir d’autres, pourquoi parle-t-on constamment de leur mise en esclavage ? La réponse est claire est simple : Cet esclavage a provoqué la plus grande déportation humaine dans l’histoire de l’humanité. D’autre part, elle a complètement modifié la pensée européenne puis celle du reste du monde : le racisme qui s’est infiltré dans l’histoire de l’humanité vient de là !

Cela nous conduits à parler de ce qui caractérise cet esclavage et donc de l’exposition qui vous est présentée aujourd’hui.

C – ce qui caractérise cette exposition

ce qui caractéristique cette exposition, c’est la violence. Cela veut dire tout simplement que face à la volonté prédatrice des Européens, les Africains ont développé une résistance permanente. Et ce sont les Européens eux-mêmes qui montrent ces résistances à travers les images présentées ici.

Au regard des multiples rébellions qui se sont produites à bord des navires négriers, L’historien américain Marcus Rediker remarque que « chaque navire contenait en son sein un processus de dépouillement culturel venant d’en haut, et un contre-processus de création culturelle venant d’en bas » ; c’est-à-dire qu’à la violence exercée sur leur corps par les Européens pour les soumettre, les Africains s’ingéniaient à trouver les moyens de leur résister : par les révoltes, les suicides, le refus de s’alimenter. Et sur le continent américain, ils vont inventer d’autres moyens de résistance comme le marronnage – c’est-à-dire la fuite – les avortements et les infanticides pour les femmes.

          A ceux qui font passer leur inculture pour du savoir et qui croient que la République s’est levée un beau matin et s’est dit « Tiens, on va abolir l’esclavage aujourd’hui », disons ceci :

          La révolution de Saint-Domingue dirigée par Toussaint Louverture ayant abouti en 1793 à l’abolition de l’esclavage sur l’île n’est que le point d’orgue de la résistance africaine à la traite et à l’esclavage des Noirs partout dans les colonies européennes des Amériques.

          Oui, c’est sous la pression initiée par les esclaves africains dirigés par Toussaint Louverture et ses amis que le commissaire Sonthonax proclame leur libération à la fin du mois d’août 1793. Sonthonax enverra ensuite trois émissaires à Paris expliquer devant la convention la nécessité d’abolir l’esclavage dans toutes les colonies françaises. Ce sera chose faite le 5 février 1794.

          Toussaint Louverture est donc incontestablement une figure illustre qui émerge du monde politique européen avec la Révolution française. Ce héros de la Révolution deviendra général en chef des armées françaises de Saint-Domingue le 1er septembre 1797, puis gouverneur général de l’île. Enlevé par l’armée de Napoléon au moment où celui-ci avait décidé le rétablissement de l’esclavage, Toussaint Louverture mourra le 7 avril 1803 au fort de Joux, près de Pontarlier, sept mois après son incarcération.

          En 2023, placer le 175e anniversaire de l’abolition de l’esclavage sous le signe d’un hommage à Toussaint Louverture n’est donc que justice. C’est reconnaître officiellement que l’abolition de l’esclavage en France est d’abord le fait de la lutte des opprimés pour recouvrer leur liberté. Une lutte permanente qui ne permettait pas la poursuite des méthodes anciennes. Après sa mort, ses amis Dessalines, Christophe et Pétion triompheront de l’armée de Napoléon à Vertières en novembre 1803 et proclameront aussitôt l’indépendance de l’île ; indépendance qui sera officialisée le 1er janvier 1804 et redonnera à l’île son nom ancien : Haïti.

          Voilà donc, Mesdames et Messieurs, chers amis, la réalité de l’histoire de la traite et de l’esclavage des Africains faite d’une part de l’insoumission des Africains et d’autre part de l’inventivité des Européens en matière de supplices pour briser à la fois leur corps et leur esprit. Et c’est ce que vous pouvez découvrir dans cette exposition. Après Toussaint Louverture, d’autres figures françaises reprendront le flambeau de la lutte jusqu’à la deuxième abolition de l’esclavage en France en 1848. Retenons donc tous que seule la lutte paie.

          Je vous remercie.

Raphaël ADJOBI

Le lycée du Dauphiné à Romans-sur-Isère commémore l’abolition de l’esclavage

Romans discours coupé          Dans le cadre de la commémoration du 175e anniversaire de l’abolition de l’esclavage en France, le lycée polyvalent du Dauphiné à Romans-sur-Isère a fait du jeudi 27 avril une journée particulière qui marquera pour longtemps l’esprit des jeunes qui y étudient. Une journée de mémoire et de fête à laquelle ont été conviés non seulement des intervenants pour partager des savoirs – comme La France noire – mais aussi des animateurs culturels.

Romans accueil          La veille, Monsieur le proviseur, son adjointe et notre collègue documentaliste ont reçu leurs invités qui étaient déjà arrivés pour un bon repas dans un restaurant ; l’occasion de faire connaissance et vivre un moment de partage. Excellente idée parce que le lendemain chacun était à son poste pour jouer son rôle afin que la fête soit belle.

          La journée du jeudi commencera d’abord par le rassemblement de l’équipe pédagogique, des intervenants et animateurs autour des personnalités qui honoraient de leur présence la cérémonie. Après les mots de bienvenue, Monsieur le proviseur rappela l’histoire de l’abolition de l’esclavage en France qui se fit en deux étapes : une première fois en 1794, et une deuxième fois en 1848 parce que Napoléon Bonaparte avait décidé de remettre les citoyens noirs en esclavage en 1802. Puis le représentant du maire prit la parole pour se réjouir de cette belle fête commémorative qui marque aussi une vie nouvelle dans un établissement agréablement rénové. Effectivement, même si certains bâtiments attendent d’être réhabilités, l’établissement a fière allure, surtout avec son CDI dont l’intérieur vous donne l’impression d’être dans une cathédrale. La dernière à prendre la parole fut Madame la conseillère régionale : non seulement elle souligna l’importance de la cérémonie qui commémore une histoire nationale, mais elle appela la jeunesse à se souvenir afin de contribuer à rendre l’avenir plus fraternel. Un message qui rejoint celui de La France noire accompagnant ses expositions pédagogiques itinérantes.

Romans chorale et gospel - couleur          La journée a ensuite été marquée par la participation des lycéens aux rencontres avec les intervenants mais aussi à des moments festifs à l’extérieur avec deux groupes d’animation : un trio de gospel et un joyeux groupe de tambours aux couleurs vives. Bien vu de la part de l’équipe éducative !

Romans-sur-Isère l'équipe de la restauration          La direction du lycée du Dauphiné a tenu aussi à marquer cette journée d’une note spéciale : une cuisine créole pour tous ! C’est en effet dans les îles des Amériques, alors colonies françaises, que des populations venues d’ailleurs – oppresseurs et opprimés – vont forger leur destin. Le personnel de la restauration a donc travaillé avec le concours d’une équipe de dames spécialistes de la cuisine créole pour transporter chacun dans les îles le temps d’un repas.

Romans conférencier          La France noire* se réjouit d’avoir été invitée à cette belle fête commémorative nourrie d’inventivités et donc d’intervenants venus d’horizons différents. Aujourd’hui, grâce au Pass culture, les établissements scolaires n’hésitent plus à solliciter des acteurs de la vie culturelle dont le siège est à l’autre bout de la France. C’est dire que la culture traverse plus aisément les frontières de nos régions. Et cela est heureux.

* Les interventions de La France noire se sont déroulées sur deux journées (jeudi 27 et vendredi 28) et ont permis à 9 classes de bénéficier de la rencontre avec notre intervenant.

Raphaël ADJOBI

Le lycée Clément ADER (77) accueille « La France noire »

Clément Ader déc. 2022          Le lundi 12 et le vendredi 16 décembre 2022, l’association La France noire est intervenue au lycée Clément Ader (Seine-et-Marne) pour 9 heures de conférence (= 9 classes) avec son exposition Les Noirs illustres et leur contribution à l’histoire de France.

          Dans ce bel établissement à l’allure d’un campus universitaire où les activités artistiques (fanfare, orchestre, atelier cinématographique…) rivalisent les unes avec les autres, nous avons été accueillis par un professeur de philosophie passionné de l’histoire des Noirs de France. Connaisseur de l’art des esclaves fugitifs de Guyane et de l’histoire des procès ayant opposé esclaves africains et colons dans les Amériques, Thibault Noël-Artault a illuminé notre séjour au lycée Clément Ader à Tournan-en-Brie. Mille fois merci cher collègue… et désormais ami.

Clément Ader lolli          Tous les professeurs qui ont inscrit leur classe à cette rencontre ont été admiratifs de notre exposition et de la prestation du conférencier. La France noire est d’ailleurs invitée à revenir dans ce lycée en mars prochain avec son exposition Les résistances africaines à la traite et les luttes des esclaves pour leur liberté dans les Amériques. Mais la belle surprise viendra le vendredi 16 (jour de la désinstallation de l’exposition) : nous devions commencer notre première prestation à 9h 30. Retenez bien : une collègue avait pris le risque de nous attendre au CDI à 9h dans l’espoir que nous serions là pour faire profiter ses élèves de quelques minutes de présentation de l’exposition. Et ce fut le cas : nous sommes arrivés à 9h. Certes, le temps était trop court pour procéder à un échange de questions-réponses ; mais les élèves sont repartis après des applaudissements à l’adresse du conférencier. Bravo à cette collègue ! Et à La France noire d’être arrivée une demi-heure avant l’heure prévue. 

Leçons du passage de La France noire au lycée Clément Ader

          Notre passage au lycée Clément Ader a été très fructueux dans la connaissance du fonctionnement du dispositif Pass culture destiné aux acteurs culturels ainsi que de la plateforme ADAGE destinée aux établissements scolaires ; deux logiciels communiquant entre eux. Là-bas, nous avons eu la confirmation que les établissements ont autant de difficultés que les acteurs culturels à maîtriser les outils électroniques qui leur sont dédiés. Aussi, il est à parier que très peu d’établissements scolaires sont parvenus à consulter, via ADAGE ou directement sur la plateforme Pass culture, les offres des conférenciers et exposants. Tous les enseignants peuvent-ils visualiser depuis chez eux ou en compagnie du ou de la délégué(e) culture de l’établissement* les offres des acteurs et professionnels de la culture ? En effet, avoir une idée des offres disponibles permet de les envisager comme supports ou accompagnements des cours ou des projets à mener avec les élèves.

Clément Ader B coupé          Il est à noter que même les plus petits collèges ne comptant qu’une centaine d’élèves – en réunissant les 4e à les 3e – disposent de 2500 à dépenser durant l’année. Largement suffisant pour mener à bien deux ou trois projets avec un acteur culturel (exemple La France noire) ou un professionnel de la culture (exemple un artiste, ou un contrat de film avec une salle de cinéma) ! Les lycées comptant autour de mille élèves disposent d’environ 22 000 à 28 000 euros, et ceux comptant autour de deux mille élèves atteignent les 40 000 euros ! Aucun de ces établissements ne pourra dépenser ces sommes colossales en une année en invitant des intervenants, en organisant des ateliers et en réalisant des sorties pédagogiques. Surtout quand on sait que les frais de déplacement des élèves ne sont pas pris en charge par le Pass culture. Trop d’argent disponible inutilisé pourrait encourager l’État à dire que les enseignants n’en font rien et qu’il convient de ne pas poursuivre l’expérience. Ce serait dommage, parce que beaucoup d’enseignants sont très contents du dispositif.

          On peut tout de même se réjouir du choix fait par l’Éducation nationale de ne pas transférer ces sommes aux établissements scolaires mais de les tenir à leur disposition et les encourager à consommer la culture proposée par les acteurs et les professionnels qu’elle a homologués. C’est la seule façon pour l’État de savoir si les enseignants montrent réellement de l’intérêt pour la culture et surtout ce que les établissements font de l’argent qui lui est dédié. En effet, les collèges et les lycées ne peuvent inviter ou ne fréquenter que les structures culturelles choisies par le ministère de l’Éducation nationale. D’autre part, l’État a compris que la culture a un prix et a mis les fonds nécessaires en place pour que les artistes, les auteurs, les exposants…. soient bien rémunérés. Respecter le savoir commence par le respect du porteur du savoir.

* Tous les collèges et lycées de France doivent avoir depuis 2001 un(e) délégué(e) culture dans le cadre du dispositif Pass culture. Celle-ci ou celui-ci doit informer ses collègues des offres des acteurs culturels pouvant intervenir dans les établissements et celles des professionnels de la culture. La ou le délégué(e) procède à la pré-réservation de l’offre (en accord avec le professeur demandeur) et le chef d’établissement à sa validation finale.

Raphaël ADJOBI

Le Collège Laurent Monnier à Saint-Aubin (39 – Jura) a accueilli notre exposition sur l’esclavage

Saint-Aubin sept.2022 B          Le vendredi 23 septembre 2022, l’exposition « Les résistances africaines à la traite et les luttes des esclaves pour leur liberté dans les Amériques » a été accueillie au collège Laurent Monnier à Saint-Aubin dans le Jura. Grâce au projet pédagogique du professeur d’histoire et géographie, M. Yoann Frelin – qui avait déjà vu cette exposition en 2018 à Saint-François de Sales à Dijon où il exerçait – la direction de l’établissement a donné son accord pour que les élèves des classes de quatrième élargissent leurs connaissances sur « La formation de la personne et du citoyen ».

Saint-Aubin 2022 Raph          En effet, l’exposition de La France noire ne se contente pas de présenter la traite et l’esclavage des Noirs dans les Amériques. Comme son titre l’indique, elle met l’accent sur les luttes pour la liberté. A partir des luttes contre les captures, la déportation et « l’esclavagisation » (ou « esclavisation »), on peut aborder d’autres formes de liberté : liberté d’opinion, de circulation… C’est surtout l’occasion pour les élèves, selon M. Yoann Frelin, de « faire preuve d’esprit critique, et s’indigner contre l’esclavage. [Apprendre à] se battre pour les libertés pour tous et lutter contre les discriminations ». En clair, il appartient à chaque enseignant de faire preuve d’imagination avec ce bel outil pédagogique que nous tenons à la disposition de tous. Et dans notre exposition, la lutte des femmes esclaves pour leur liberté de procréer ou de ne pas procréer éclaire parfaitement le combat des femmes d’aujourd’hui à disposer librement de leur corps. Sur ce chapitre, notre collègue n’a pas manqué de citer Beloved de Toni Morrison ; récit dans lequel une mère est hantée par le fantôme de sa fille qu’elle a tuée pour lui éviter d’être esclave comme elle. Sa vie de cauchemars illustre donc parfaitement le lourd tribut payé par les Noirs pour leur liberté. Ce qui est totalement absent des manuels scolaires.

Saint-Aubin Jura 2022 Loli          Merci à Monsieur le directeur pour l’accueil, et merci de tout cœur à notre collègue documentaliste pour le précieux coup de main à l’installation et à la désinstallation de l’exposition et pour les échanges très intéressants sur la réalité sociale de cette zone du Jura limitrophe de la Côte d’Or, caractérisée par la faible densité de sa population ; état de chose expliquant la rareté des structures ou réseaux culturels. Nous sommes totalement d’accord avec nos deux collègues pour dire que vivre et étudier dans une zone éloignée des grands réseaux culturels demande beaucoup d’imagination pour rivaliser avec les zones qui en sont pourvues. Aussi nos collègues jugent-ils nécessaire la venue de porteurs de connaissances dans cette partie de leur département afin de briser l’isolement, source de pauvreté en matière de culture. La France noire, née dans une petite ville de l’Yonne (89), connaît bien ce souci. Oui, aujourd’hui il est possible de faire venir à soi la culture. Et parce que leurs différents projets sont fort intéressants, nos collègues de Saint-Aubin constituent un exemple à suivre pour les enseignants des petits établissements de province. Oui, ensemble, faisons circuler les connaissances !

Saint-Aubin réduitRaphaël ADJOBI

Le retour de la soirée des retrouvailles de La France noire

Retrouvailles 16 spt. 22          Après deux années de respect de la mesure de l’État interdisant les rencontres de groupe, les membres de La France noire viennent de renouer avec leur soirée annuelle des retrouvailles – à Looze (89) le vendredi 16 septembre 2022. Bien sûr, La France noire étant une association nationale, nos amis de Guadeloupe et des département métropolitains lointains n’étaient malheureusement pas présents. Toutefois, nous les avons associés à cette rencontre en ayant une pensée pour eux.

Retrouvailles sept 22 B          Les participants à ces dernières retrouvailles ont surtout partagé un agréable moment de convivialité. En effet, au-delà de la cérémonie de commémoration de l’abolition de l’esclavage célébrée chaque 10 mai en partenariat avec la mairie de Joigny et l’assemblée générale annuelle de l’association en juin, un moment de retrouvailles hors de toute tension est nécessaire. C’est pourquoi les membres de La France noire ont choisi de se retrouver tous les ans – au moment de la rentrée scolaire ; le caractère pédagogique de l’association oblige – pour passer un moment ensemble et apprendre à mieux se connaître. Mais c’est aussi l’occasion pour tous d’apprécier la mise en œuvre des projets arrêtés à l’assemblée générale de Juin : les perspectives de l’année scolaire 2022-2023 sont excellentes parce que nous enregistrons un accroissement des demandes d’intervention auprès des établissements. D’autre part, le médiatique historien Pascal Blanchard – spécialiste de l’histoire coloniale de la France – accepte notre invitation à Joigny pour deux conférences le jeudi 4 mai 2023 dans le cadre de la commémoration de l’abolition de l’esclavage.

Retrouvailles coupées          Nous pouvons donc dire qu’après deux années de marche assez laborieuse due au COVID, La France noire retrouve sa vitesse de croisière.

Raphaël ADJOBI

Réunion de rentrée de LA FRANCE NOIRE en Île-de-France

Déjeuner de travail 21 août 2022          Le dimanche 21 août 2022, deux membres du bureau de notre association ont rencontré l’équipe de l’antenne de l’Île-de-France pour un déjeuner de travail – deux mois après son installation officielle en juin dernier. Au programme des échanges, deux sujets essentiels : d’une part, agir pour obtenir des adhésions afin de rendre viable l’antenne locale ; d’autre part, obtenir durant le premier trimestre de l’année scolaire une dizaine de rendez-vous avec des chefs d’établissement pour leur proposer nos expositions pédagogiques.

          Les membres du bureau ont remis à nos amis des cartes d’adhésion à proposer à leurs interlocuteurs lors des échanges informels. Par ailleurs, dans le but de susciter des soutiens ou des adhésions, une « conférence-sensibilisation » sur le travail pédagogique de La France noire pourrait être organisée à Sartrouville fin septembre/début octobre. A nos amis de trouver une salle et de fixer une date. Nous espérons qu’en découvrant l’une de nos expositions pédagogiques lors de cette rencontre, les uns et les autres comprendront l’utilité de soutenir une association portée par des spécialistes et donc qui ne nécessite pas d’actions collectives sur le terrain de l’enseignement. En effet, même quand on n’est pas médecin, on peut par exemple donner de l’argent aux médecins qui mènent le combat contre le cancer parce que cette cause nous tient à cœur ! Ce qui veut dire que nous n’avons pas besoin – sous le prétexte d’avoir fait un don – d’aller sur le terrain avec ces médecins. Nous avons tous besoin de reconnaître la qualité des spécialistes et leur faire confiance quant à ce qu’ils peuvent apporter à la société en soutenant financièrement leur action – quand celle-ci nous semble utile. A ce propos, je recommande vivement aux membres de La France noire la lecture du livre de notre collègue Carole Reynaud-Paligot : Le tour de France de Flora Tristan (Éd. Tautem, 2022). Ce livre montre comment, grâce aux soutiens des âmes généreuses, la jeune militante a contribué à la création de syndicats d’ouvriers dans de nombreuses villes de France.

Carte d'ahésion Île-de-France          S’il est toujours agréable et même nécessaire qu’une association ait une vie festive pour entretenir la flamme militante des membres, personne ne doit perdre de vue l’objectif principal de La France noire : apporter des connaissances sur la contribution des Noirs à l’Histoire de France en complément de l’enseignement ordinaire que reçoivent nos enfants et petits-enfants. D’ailleurs, dans sa lettre du 10 janvier 2022, Madame la rectrice a eu ces mots fort réjouissants à l’adresse de notre association : « Nous restons attachés à notre partenariat qui vient en complément de l’action ministérielle ».

          Enfin, pour que d’autres découvrent notre association, il appartient à chaque membre d’en faire la promotion autour de lui en partageant nos publications. Sans les partages, la multiplication des réseaux sociaux ne sert à rien. Outre son site avec un blog, La France noire dispose d’une chaîne Youtube ; pour y accéder, tapez Youtube puis : La France noire info. Faisons donc connaître nos deux outils de communication autour de nous afin que les Français soient de plus en plus nombreux à s’intéresser à nos actions pédagogiques et mémorielles.

Raphaël ADJOBI

La France noire/Île-de-France, première antenne de notre association

Île de France          Enfin, la première antenne de La France noire est installée ! C’est dans les Yvelines (78), à Sartrouville, que siège La France noire/Île-de-France. Et c’est Suzanne Ekima, l’une des rares personnes a avoir adhéré à notre association par Internet, c’est-à-dire sans avoir aucun lien avec l’un des membres du siège social à Joigny, qui en devient la présidente. C’est donc à elle que revient la charge de constituer un groupe d’animatrices et animateurs pour faire rayonner La France noire en Île-de-France.

          Le dimanche 26 mai, Suzanne a donc réuni autour d’elle un noyau familial pour entendre Raphaël Adjobi et Françoise Parry (président et secrétaire) expliquer l’importance des deux piliers qui structurent l’association et qui doivent aussi structurer l’antenne de Sartrouville (78) : la commémoration annuelle de l’abolition de l’esclavage de 1848 en partenariat avec la mairie locale, et l’établissement de contacts avec les collèges et les lycées de la région pour favoriser les actions de La France noire auprès de la jeunesse grâce à ses trois expositions pédagogiques itinérantes. Donc un ancrage dans la vie d’une cité du département d’où partira le faisceau de notre idéal de fraternité en direction des jeunes de toute l’Île-de-France : mieux connaître l’autre pour respecter sa différence.

Groupe C          La nouvelle présidente nous a déclaré : « Depuis quelques années, je cherchais à m’engager dans une association sans trouver celle qui me convienne vraiment. J’ai même pensé à en créer une. Et en cherchant sur Internet, je suis tombée sur le site de La France noire. Je n’ai pas hésité ! C’était exactement l’association que je cherchais ». En effet, si le travail nourrit l’homme, c’est l’engagement qui donne un sens à sa vie, à son humanité. Conscient de cela, l’État français encourage les collèges et les lycées à consacrer une semaine à la réflexion sur l’engagement des jeunes citoyens et les invite à solliciter les associations à venir partager avec les élèves leurs expériences. Devant la baisse de l’implication des adultes dans le bénévolat – sauf parmi les plus anciens – il apparaît nécessaire d’intéresser assez tôt la jeunesse à l’engagement à travers la vie associative. Il s’agit d’un appel à repenser notre vie française ensemble pour une France et un monde plus solidaires.

          Le potentiel des Yvelines pour une plus grande fraternité nationale grâce à une meilleure connaissance du passé que les Français noirs et blancs ont en commun est absolument énorme ! C’est en effet là où la diversité de la population est grande que le message de fraternité de La France noire par la connaissance de notre passé commun a des chances de prospérer plus rapidement. Malheureusement c’est là aussi que les Noirs encouragés à croire au mythe du mérite par la réussite personnelle – en tournant le dos à leur passé – sont plus nombreux ! « Il faut oublier le passé douloureux ! Pourquoi remuer le passé ?». Or celui qui ne sait pas d’où il vient et pourquoi il est Français avec une carnation qui rappelle l’Afrique ne peut pas vraiment savoir qui il est et où il va ! Chacune de ces personnes doit savoir que si la France commémore des moments douloureux de notre passé – par exemple les deux grandes guerres, les déportations pendant la seconde, le génocide des juifs – c’est justement parce qu’il est scientifiquement reconnu qu’il faut mettre des mots sur les traumatismes pour guérir et avancer plus sereinement dans la vie sans reproduire les mêmes maux.

Groupe D          Retenons donc que « Oublier le passé, ne pas parler du traumatisme subi» est un argument d’une époque révolue ! Lutter contre cette pensée destructrice afin de permettre aux uns et aux autres d’apporter leur concours à l’instruction de la jeunesse en soutenant le travail pédagogique qui touche à l’histoire des Français noirs est donc la grande tâche de nos représentants à Sartrouville ! Heureusement, ceux-ci savent que le travail de notre association se fait en partenariat avec l’Éducation nationale qui lui a accordé l’agrément académique. Une marque de soutien et d’encouragement indéniable. L’essentiel n’est donc pas de passer son temps à compter le nombre des adhérents mais le nombre de jeunes qui accéderont aux savoirs que propose La France noire en Île-de-France.

Raphaël ADJOBI

Discours autour de l’exposition « Léopold Sédar Senghor, l’Africain universel »

Extrait du discours du président de l’association LA FRANCE NOIRE prononcé le 10 mai 2019 dans les salons de l’Hôtel de ville de Joigny (89) devant les autorités de la commune à l’occasion de la commémoration de l’abolition de l’esclavage.

Commémoration 2019          Nous sommes reconnaissants à l’association « Mémoires et partages », dont le siège est à Bordeaux, qui a réalisé l’exposition que nous présentons aujourd’hui. L’association a aussi une antenne au Sénégal ; ce qui explique, en partie, le thème de cette exposition : « Senghor, l’Africain universel ».

          La figure de Léopold Sédar Senghor nous rappelle un pan de notre Histoire commune : l’histoire coloniale de notre pays.

          Léopold Sédar Senghor est né sujet français à Joal, en Afrique, dans le territoire français du Sénégal. Comme tous les sujets français des colonies, sa vie va se construire dans le système colonial qui avait bien entendu besoin d’administrateurs locaux pour certaines fonctions. Mais, comme nous le savons tous, c’est la passion de la littérature qui va triompher en lui, et plus particulièrement l’amour de la poésie.

          On retient souvent de lui le poète et le chantre de la négritude – c’est-à-dire celui qui plaide pour la reconnaissance d’une histoire et d’une culture noires participant à une civilisation de l’universel au-delà des différences des traditions. Mais Senghor c’est aussi le sujet français très soucieux de remplir ses devoirs envers sa patrie, puisqu’il a participé à la deuxième guerre mondiale dans un régiment d’infanterie colonial.

Senghor Universel          Je voudrais ici m’attarder un peu sur un fait de l’histoire de cet homme ; un fait de son histoire qui nous éclaire sur l’histoire de la France avec les Noirs d’Afrique. Léopold Sédar Senghor étant noir et né dans une colonie française d’Afrique était sujet français et non pas citoyen français. Et ce n’est pas du tout la même chose ! Il pouvait participer à l’effort de guerre contre l’Allemagne mais ne pouvait entrer dans la fonction publique française métropolitaine. Sujet français, il lui a fallu demander la nationalité française afin de postuler au concours d’agrégation de grammaire et entrer ainsi dans l’enseignement en France en 1935.

          Mais alors, me direz-vous, quelle était la nationalité d’un sujet français ? Eh bien, il n’y en avait pas ! Senghor né au Sénégal n’était pas sénégalais ; puisque le Sénégal n’était pas une nation indépendante, la nationalité sénégalaise n’existait pas ! Avant d’obtenir la nationalité française, Senghor était donc officiellement « un Français sans papier » aussi bien au Sénégal qu’en France. C’était cela la réalité de la situation de tous les Africains des colonies françaises jusqu’en 1960.

          Ce n’est donc qu’en 1960, à 54 ans, à l’indépendance du Sénégal – et de presque toutes les colonies françaises d’Afrique – que Senghor, citoyen Français seulement à partir de 1935, va devenir Sénégalais. Senghor, un Noir né au Sénégal était donc Français avant de devenir sénégalais ! (aucun Français d’origine européenne ne peut se vanter d’avoir eu un tel parcours).

          Mesdames et messieurs, imaginez maintenant tous ces Africains « Français sans papier » et sans nationalité parce que « sujet français » – comme Senghor au départ – venus en France pendant les deux guerres mondiales et qui sont souvent restés en métropole ; imaginez tous ces Africains « Français sans papier » qui sont venus en France pour la reconstruction de la mère patrie à partir de 1946 ; imaginez tous ces Africains qui arrivaient en France après 1960 alors que les jeunes États indépendants n’avaient pas encore une administration pour identifier leurs populations et leur délivrer une nationalité (sénégalaise, gabonaise, malienne…). Si vous imaginez tout cela, alors, mesdames et messieurs, vous comprenez parfaitement pourquoi en France, jusqu’à la fin des années 1980, on employait plutôt l’expression « sans papier » pour désigner les Africains de France ou les Africains-Français et non le mot « immigrés ». Les moins jeunes parmi nous peuvent témoigner que c’était cela la réalité : avant les années 1990, « sans papier » était pour ainsi dire le statut des anciens « sujets français » ou des Africains des anciennes colonies françaises.

          Retenons donc que cette exposition retrace l’histoire d’un Français « sans papier » – mais qui devait, si nécessaire, verser son sang pour la France.

N’est-ce pas le fait de ne pas enseigner cette histoire qui cultive l’ignorance, et par voie de conséquence le racisme que l’on prétend vouloir combattre ? Pour combattre le racisme, il serait bon de commencer par cesser la culture de l’ignorance qui l’entretient.

Raphaël ADJOBI

Le lycée Benjamin Franklin d’Orléans accueille l’exposition « L’invention du racisme »

Orléans Racisme janvier 2022          Après avoir accueilli durant trois années consécutives notre exposition sur « Les Noirs illustres et leur contribution à l’histoire de France », les professeurs documentalistes du lycée Benjamin Franklin ont décidé cette année de proposer à leurs collègues notre exposition sur « L’invention du racisme ». A la fin du mois de novembre, quand nous avons reçu le planning des interventions, le petit mot qui l’accompagnait nous avait vraiment fait plaisir : « En à peine deux heures, il était plein ! La qualité de vos précédentes interventions a marqué les mémoires ».

          Effectivement, le mardi 4 et le jeudi 6 janvier 2022, La France noire a effectué 13 heures d’intervention pour rencontrer environ 300 élèves ! Des heures de rencontres qui ont permis aux jeunes de découvrir que le racisme est à la fois un système de pensée et de comportement dont la mise en place a été bien réfléchie, bien argumentée et bien illustrée. Leur indignation est chaque fois très grande devant la perpétuation, en ce XXIe siècle, des images publicitaires que les adultes ont dû imaginer pour imprimer durant plus d’un siècle et demi dans l’esprit des populations dites « blanches » une image négative de l’homme dit « noir ». « Pourquoi les adultes continuent-ils à faire cela ? », se demandent-ils. Et quand ils découvrent l’eugénisme, cette volonté de constituer en Europe une population de « blancs purs » débarrassés des « blancs impurs », ils restent sans voix !

          Les enseignants quant à eux étaient très heureux de voir les jeunes prendre conscience du fait que le racisme n’est pas une plaisanterie, un jeu passager dans la vie des individus. Tous ont montré leur désir d’exploiter la venue de l’exposition pour établir des échanges supplémentaires avec les jeunes et aussi pour travailler sur le dépliant que nous leur avons laissé – afin que la page ne soit pas rapidement tournée. C’est dire que nous n’avons pas trouvé dans ce lycée des enseignants sûrs de posséder la vérité. Car « quiconque est sûr de posséder la vérité est définitivement enfermé dans cette certitude ; il ne peut donc plus participer aux échanges. […] Or, la vérité ne se possède pas, elle se cherche. Ceux qui prétendent la détenir sont ceux qui ont abandonné la poursuite du chemin vers elle » (Albert Jacquard).

Orléans janvier 2022 V          L’expérience que partage La France noire avec cet établissement est tout à fait magnifique ! Depuis notre premier passage, l’équipe des professeurs documentalistes s’est transformée en vrais animateurs d’un espace culturel. Un « espace exposition » est même aménagé au sein du CDI. Pour eux, il n’est plus seulement question de la gestion de la documentation et du flux de l’occupation d’un lieu ; il est aussi question de l’animer en proposant régulièrement aux enseignants la possibilité de lever le nez des manuels scolaires et de regarder le monde qui nous entoure avec des personnes engagées dans la vie de notre société, dans la vie de nos cités : des conférenciers, des expositions avec ou sans conférencier, des troupes de théâtre…. Cette dernière activité est suspendue, compte tenu de la situation sanitaire.

          Merci aux professeurs documentalistes pour l’accueil – toujours chaleureux – et pour la bonne organisation des deux journées. Merci à tous pour les compliments sur la qualité de notre exposition, sur l’équilibre entre les images et les textes qui la composent.

Raphaël ADJOBI

° Lire l’article de National Geographic (nationalgeographic.fr) : Quand les généticiens ont mis fin au concept de races humaines.

« La France noire » finit l’année 2021 dans le Loiret !

          La France noire a terminé le premier trimestre de l’année scolaire 2021–2022 par deux journées d’intervention dans un collège du Loiret – le lundi 13 et le vendredi 17 décembre. C’est la quatrième fois que notre association intervient dans cet établissement scolaire.

Ferrières déc. 2021          Nous avons eu le grand plaisir de constater que les forts négriers – jamais présentés dans les manuels scolaires et autres livres d’histoire – illustrant notre exposition « Les résistances africaines à la traite et les luttes des esclaves pour leur liberté dans les Amériques », n’étaient pas inconnus d’une collègue qui a une vraie passion pour cette thématique. Rares sont en effet ceux qui savent que la chasse et la déportation des Africains vers les Amériques étaient organisées par des émissaires des royaumes européens installés dans des châteaux forts construits sur les côtes africaines.

Fort Saint-Georges texte revu          Non, les capitaines des navires négriers européens n’allaient pas négocier avec les Africains mais avec d’autres Européens installés sur place pour le compte de leur royaume ! C’est à partir de ces forts que les émissaires des rois européens organisent les captures et vendent les Africains aux capitaines négriers. C’est là-bas, en Afrique que les royaumes européens s’enrichissent ! C’est pourquoi les forts étaient très bien défendus. Quant à l’armateur et son capitaine, c’est en vendant les captifs auprès des colons installés dans les Amériques qu’ils peuvent faire fortune. Il faut dire que cette collègue a lu NO HOME de Yaa Gyasi (Calman-Lévy) ; livre très imparfait quant à la peinture de la culture Akan mais qui a le mérite de rendre compte – de manière romanesque bien entendu – d’une réalité historique : l’affreuse captivité des Africains durant des semaines dans les forts européens avant leur déportation dans les Amériques. Les cachots des forts négriers étaient aussi immondes que les cales des navires ! Tous les historiens français ont négligé l’étape des forts négriers dans ce qu’ils appellent « commerce triangulaire » qui en réalité ne se faisait qu’entre Européens. Les Africains quant à eux n’étaient que des rabatteurs soumis que l’on payait avec des pacotilles venues d’Europe. 

          La leçon que je retiens de cette rencontre : là où l’enseignement de l’histoire peine à instruire, un roman, même imparfait, accomplit une œuvre magnifique ! 

Fort de Gorée texte revuFort Kormantin 3Fort Ghana texte revuRaphaël ADJOBI