Exposition photographique « Décadrage colonial » au Centre Georges Pompidou

Fabien Loris - encre 1932          Jusqu’au 27 février 2023, se tient au Centre Georges Pompidou une exposition photographique – intitulée Décadrage colonial – sur un pan de l’histoire coloniale de la France : celui de la réaction du mouvement surréaliste à l’exposition coloniale de 1931 à Paris.

          Comme l’intervenant de l’association La France noire le dit souvent à ses jeunes interlocuteurs lors de ses interventions dans les collèges et les lycées, on ne peut pas comprendre les images et les arguments esclavagistes, racialistes et colonialistes, si on ne prend pas en compte un fait primordial : celui que tous les Européens n’étaient pas esclavagistes, racialistes et colonialistes ! C’est en effet de la confrontation et du débat contradictoire que nous tenons les plus belles pages des bêtises du genre humain à travers la théorisation de l’humanité en races distinctes, celle de la nécessité d’acheter ou de vendre des humains, et enfin celle du devoir de civiliser l’Autre. C’est donc clairement à partir de la volonté de se justifier face à leurs adversaires qu’esclavagistes, racialistes et colonialistes ont modifié la pensée européenne et mondiale sur l’Autre.

Les Français de couleurs          Ce que l’on apprend essentiellement dans cette exposition du Centre Pompidou, c’est la dénonciation par le mouvement surréaliste de la politique impérialiste de la France par l’organisation d’une contre exposition intitulée « La vérité sur les colonies ». Combien de Français, combien de professeurs d’histoire le savaient-ils ? Et pourtant, « En 1931, lors de l’exposition coloniale de Vincennes, les surréalistes diffusent des tracts et dénoncent les répressions à l’égard des populations colonisées. Plusieurs numéros du Surréalisme au service de la révolution exposent leur vision radicalement critique de l’entreprise coloniale dans sa dimension tant économique qu’intellectuelle et culturelle » (le catalogue de l’exposition).

          Décadrage colonial montre donc un chapitre du combat du mouvement surréaliste et de son iconographie subversive (photographies, productions graphiques et photomontages militants) contre l’impérialisme français, tout en soulignant les rapports équivoques des photographies des premiers ethnologues – jusque là tenus sous le joug du puritanisme chrétien européen – qui font preuve d’un voyeurisme débridé sous le vocable d’« images exotiques ».

Tract mai 1931Raphaël ADJOBI

Le collège Saint-Grégoire du groupe ECBG (45) accueille « La France noire » pour la troisième fois

LFN 3 membres - bleu          Le collège Saint-Grégoire – qui fait partie de l’Enseignement Catholique Beauce Gâtinais (ECBG) – a accueilli notre exposition Les résistances africaines à la traite et les luttes des esclaves pour leur liberté dans les Amériques pour la deuxième fois le vendredi 20 janvier 2023. Notre première visite dans cet établissement avec cette exposition date de 2018. En 2019, avant les deux années de la COVID, ce collège avait permis à tous ses élèves (de la 6e à la 3e) de découvrir notre exposition L’invention du racisme et la négation des traces de l’homme noir dans l’histoire de l’humanité. Cette dernière visite avait donc un air de retrouvailles pour bon nombre de professeurs comme pour les invités.

Pithiviers coupé 2          Avouons-le tout de suite : si l’initiative de cette nouvelle invitation a cette fois été prise par notre collègue Pierre-Louis Boggio, professeur d’histoire, nous retrouvions-là notre amie et membre de La France noire Inès Kihindou – Liss pour les intimes, les blogueurs et les milieux littéraires. Durant toute la journée, nous avons été pris en charge par notre collègue documentaliste qui a également organisé l’accueil des élèves pour les séances d’intervention du conférencier. Merci à elle pour le bel accueil et le bon moment passé ensemble.

Pithiviers coupé          Ce fut une journée très agréable avec des élèves intéressés donc attentifs aux explications de l’intervenant qui leur apportait des compléments de connaissances à leur cours sur l’esclavage. Aller au-delà des manuels scolaires en élargissant les connaissances des jeunes grâce à notre exposition était en effet la volonté du professeur d’histoire qui l’avait beaucoup appréciée en 2018. C’est donc avec fierté que ce collègue a suivi les réactions de ses élèves par rapport aux images des panneaux qui ne peuvent laisser indifférents. Ce plaisir était partagé par les enseignants qui découvraient pour la première fois cette exposition qu’ils jugent absolument nécessaire à l’instruction de la jeunesse.

St-Grégoire 2023          Pari gagné donc pour notre amie Liss Kihindou qui, en 2018 et 2019, a eu l’idée d’inviter La France noire dans son établissement pour faire découvrir à ses collègues d’autres supports de transmission des savoirs. Désormais, l’équipe pédagogique du groupe ECBG sait qu’elle trouvera auprès de La France noire les outils pédagogiques qui accompagneront utilement et agréablement ses pratiques éducatives.

Raphaël ADJOBI

Le lycée Benjamin Franklin (Orléans) accueille pour la deuxième fois notre exposition sur l’invention du racisme

Orléans Benjamin Franklin          Le succès rencontré, en janvier 2022, au lycée Benjamin Franklin par notre exposition « L’invention du racisme et la négation des traces de l’homme noir dans l’Histoire de l’humanité » est indéniable ! La preuve, au moment de nous accueillir en janvier 2023, ces mots des professeurs documentalistes – les animateurs culturels de l’établissement chargés de proposer des actions complémentaires aux enseignements des professeurs : « Nous avons diffusé l’information de votre prochaine venue en fin de semaine, et cette fois encore, en quelques heures, vous étiez, comme on dit, prêts à jouer àguichet fermé” ! »

          C’est donc avec plaisir que nous avons retrouvé dans cet établissement scolaire des visages désormais familiers pour partager la belle complicité des passeurs de savoirs autour de notre exposition sur l’invention du racisme. Le jeudi 12 et le vendredi 13 janvier, neuf classes ont bénéficié de la rencontre avec le conférencier de notre association pour un temps de présentation puis de découverte de l’exposition, et enfin un temps d’échange. Curieux et attentifs, les élèves ont chaque fois exprimé leur étonnement et leur indignation devant les images illustrant les arguments qui ont servi à établir une échelle de valeurs entre les humains à partir des différences de couleur de leur peau. Les applaudissements qui ont clôturé chacune des rencontres peuvent être considérés comme la marque de la parfaite adhésion des élèves aux explications du conférencier. Un détail très plaisant : chaque fois, certains élèves ont tenu à venir le remercier. Quant aux enseignants, ils n’ont pas manqué de montrer leur satisfaction et parfois même leur enthousiasme devant la prestation vivante du conférencier.

Orléans 2023 élèves          C’est la cinquième année consécutive que le lycée Benjamin Franklin invite notre association. Et c’est la deuxième fois qu’il accueille L’invention du racisme et la négation des traces de l’homme noir dans l’Histoire de l’humanité, après avoir reçu durant trois années Les Noirs illustres et leur contribution à l’Histoire de France. Nous avons été très heureux d’apprendre des professeurs documentalistes que nos travaux et nos conférences ont modifié les pratiques pédagogiques des enseignants qui ont intégré nos thématiques à leurs cours. Aussi, ceux-ci aimeraient disposer de nos expositions plus longtemps ; ils aimeraient surtout une organisation différente de l’accueil des expositions afin d’y travailler avec les élèves avant la venue du conférencier.

          Que dire de plus sinon que nous avons là la preuve de la reconnaissance par nos collègues de l’utilité de nos expositions dans l’instruction des jeunes générations !

          Pour terminer, signalons un résultat réjouissant du dispositif Pass culture permettant à l’Éducation nationale de prendre en charge les interventions des acteurs culturels qu’elle a homologués : cette année, les professeurs documentalistes du lycée Benjamin Franklin envisagent d’offrir – aux frais de l’État – une deuxième exposition de La France noire aux enseignants et à leurs élèves. Les sections professionnelles et technologiques ayant l’esclavage à leurs programmes pourraient bientôt accueillir notre exposition Les résistances africaines à la traite et les luttes des esclaves pour leur liberté dans les Amériques. C’est donc le deuxième lycée qui va accueillir, en cette année 2023, deux expositions de La France noire.

Raphaël ADJOBI

Les malheurs des filles de Thomas Jefferson (3e président des E.U)

Thomas Jefferson          Dans son édition de mars 1971, la revue Connaissance des arts avait publié un article sur la belle maison du troisième président des États-Unis, Thomas Jefferson, construite à Monticello, en Virginie, à 120 km de Washington. Une lectrice saisit alors l’occasion et envoya à la revue l’extrait suivant de «La République américaine» du R.P. Bruckberger (Paris 1958, p. 84-86) et permit ainsi au public de découvrir, dans le numéro suivant, une image singulière de la vie de cet homme d’État – même s’il s’agit en réalité de celle de ses descendantes.

          « Avec un sens extraordinaire des lois de la tragédie, la vie se charge parfois de donner une conclusion exemplaire à une destinée exemplaire. On sait ce qu’il advint de Saint-Just. Il monta lui-même sur l’échafaud où il avait d’abord envoyé Danton : la République de Sparte rejoignait dans le panier à son la République de Cocagne.

          Quant à Jefferson, l’épilogue tragique digne du Shakespeare le plus terrifiant, ne devait survenir qu’après sa mort. Je cite ici sans changer ou omettre un seul mot, un homme dont l’information, l’autorité et la conscience sont irrécusables. Il s’agit d’Alexandre Ross, canadien de nationalité et qui occupa des charges importantes dans son pays, et fut en plus l’ami personnel et homme de confiance d’Abraham Lincoln. Il écrit dans ses mémoires :Thomas Jefferson, l’auteur de la Déclaration d’indépendance, par une clause de son testament conféra la liberté à ses enfants naturels nés esclaves. Il le fit dans la mesure où le code d’esclavage de Virginie le lui permettait, suppléant au pouvoir qui lui manquait par une humble requête à la législature de Virginie de confirmer ses dispositions testamentaires et de donner à ces esclaves la permission de demeurer dans l’État où ils avaient leur parenté. Deux de ses filles, qu’il avait eues d’une de ses esclaves octavonnes, furent, après la mort de Jefferson, emmenées de Virginie à la Nouvelle-Orléans où elles furent vendues au marché d’esclaves pour 1500 dollars chacune et utilisées à des fins qu’on ne peut décemment rapporter. Ces deux malheureux enfants de l’auteur de la Déclaration d’indépendance étaient très blanches, leurs yeux étaient bleus et leurs chevelures longues et soyeuses étaient blondes. Toutes deux avaient une grande instruction et une parfaite éducation. La plus jeune des deux sœurs, s’enfuit de chez son maître et se suicida par noyade pour échapper aux horreurs de sa condition. Ce n’est pas sans une immense tristesse qu’on rencontre un tel fait dans l’histoire d’une nation…. Jefferson avait raison. On n’en a jamais fini de conquérir la liberté. La République selon son cœur serait une révolution permanente ».

 Deux remarques s’imposent :

1 – Afin de bien comprendre la volonté de l’auteur de souligner l’ampleur du racisme dans le coeur de certains Blancs, il est nécessaire de s’arrêter au sens du mot « Octavon ». Voici la définition des dictionnaires (ici le Larousse) : Personne issue de parents dont l’un est quarteron et l’autre un Blanc. Notez bien la distinction « quarteron » et « Blanc ». Qu’est-ce qu’un « Quarteron » ? Réponse : « Fils ou fille d’un Blanc et d’une mulâtresse (métisse) ou d’une Blanche et d’un mulâtre (métis) » (Le Robert). Dire qu’un métis n’est pas un Blanc, tout le monde comprend. Mais en distinguant « quarteron » et « Blanc », comme le font les dictionnaires, on arrive à la conclusion que le célèbre écrivain Alexandre Dumas et mes petits-enfants qui sont quarterons (un de leurs parents est métis) ne sont pas des Blancs.

En clair, un « octavon » (un des parents est quarteron) est une personne à la peau blanche née de deux parents à la peau blanche – comme les enfants de l’écrivain Alexandre Dumas ; mais on garde en mémoire que l’un des grand-parents est métis. En d’autres termes, vous êtes blanc de peau parce que vos deux parents sont blancs de peau, mais vous n’êtes pas Blanc parce que vous êtes un « octavon ». Selon les dictionnaires, si vous vous mariez, on dira que vous êtes marié avec une Blanche ; vous aurez alors compris par cette simple mention que vous n’êtes pas un Blanc, malgré votre peau blanche. A l’époque de Thomas Jefferson, vos enfants pouvaient être vendus ; car vous êtes un « esclave octavon ». Les petits-enfants du célèbre écrivain Alexandre Dumas pouvaient être vendus comme les filles de Thomas Jefferson ! Tous les Noirs français qui ont des arrière-petits-enfants octavons ne peuvent que trembler en lisant ce texte. Qu’ils retiennent avec Thomas Jefferson que la République doit être une révolution permanente pour que le racisme ne les rattrape pas.

Cheveux blonds 12 – Il est toujours plaisant d’entendre ou de lire les Blancs qui, tout en soulignant la blancheur de la peau de certaines personnes, y associent avec un grand soin les yeux bleus ainsi la chevelure blonde comme les marques suprêmes de la blanchité ou de la « race » blanche. C’est exactement ce préjugé qu’exprime l’auteur du texte en écrivant « Ces deux malheureux enfants […] étaient très blanches, leurs yeux étaient bleus et leurs chevelures longues et soyeuses étaient blondes ». Et pourtant, une chevelure blonde et des yeux bleues n’ont jamais été des marques exclusives et donc distinctives des Européens blancs !

Yeux bleus 4

Trois femmes aux yeux bleusRaphaël ADJOBI

Les voeux 2023 de LA FRANCE NOIRE à ses abonnés et à ses lecteurs

Voeux 2023 revueCher(e)s abonné(e)s, chères lectrices, chers lecteurs,

          Les membres du conseil d’administration de l’association La France noire se joignent à son président pour vous souhaiter une Bonne Année 2023. Qu’elle soit pour vous faite d’agréables moments avec celles et ceux que vous aimez et qui vous entourent de leur affection.

          Merci aux abonné(e)s pour leur engagement à nous suivre afin de partager chacun des instants de la vie de notre association ainsi que nos réflexions autour de la place des Noirs dans l’histoire de France, autour de notre idéal de faire de nos différences une force pour notre pays. Merci à tous les visiteurs de notre blog, venant souvent des contrées lointaines comme les États-Unis, le Canada, la Chine, mais aussi des pays voisins comme la Belgique et la Suisse.

          Vous avez sans doute deviné, au travers de nos derniers articles de 2022, que notre association a désormais la grande joie de figurer au nombre des acteurs culturels homologués par l’Éducation nationale dans le cadre de son dispositif Pass culture. Une reconnaissance nationale qui fait de ce ministère l’employeur de La France noire, et de notre association un partenaire vivement conseillé dans l’éducation culturelle des jeunes au sein des établissements scolaires. En d’autres termes, quand ceux-ci nous invitent – parce qu’intéressés par l’une ou l’autre de nos trois expositions pédagogiques – c’est l’Éducation nationale qui paie la facture.

          Nous pensons sincèrement que tout cela a été possible parce qu’il y a des gens comme vous manifestant de l’intérêt pour la culture, des gens comme vous désireux de voir la jeunesse accéder à des regards pluriels de notre histoire, de l’histoire de l’humanité. Merci donc pour votre fidélité qui est un soutien à notre combat pour la prise en compte de nos différences dans les récits destinés aux jeunes générations.

          Bonne Année en notre compagnie !

Raphaël ADJOBI