Le lycée Jacques Amyot d’Auxerre accueille « La France noire »

Jacques-Amyot 2022 A          Le jeudi 19 et le vendredi 20 mai 2022, le lycée Jacques Amyot d’Auxerre a été le premier lycée de l’Yonne (89) a accueillir – pendant deux demi-journées – notre exposition « Les Noirs illustres et leur contribution à l’histoire de France »* ; une exposition spécialement destinée aux lycéens pour leur permettre de découvrir les Noirs qui, entre la révolution française et la dernière guerre mondiale, se sont illustrés dans les événements qui ont marqué la France.

          C’est dans le cadre d’un CDI absolument magnifique qu’a été installée l’exposition. Les quatre classes qui ont bénéficié de l’exposé du conférencier et ont échangé avec lui durant ces deux demi-journées ont été séduites par la contribution des Noirs aux deux abolitions de l’esclavage en France et aux deux guerres mondiales. Aussi, plus que des questions, ce sont des réflexions pertinentes traduisant leur plaisir de combler un vide que les élèves ont exprimées. Les applaudissements qui ont chaque fois salué la fin de l’exposé du conférencier était la preuve de leur satisfaction de goûter à des connaissances nouvelles venues élargir leur imaginaire.

20220519_103134          Merci aux professeurs documentalistes qui nous ont entourés d’un grand soin, et aux professeurs accompagnateurs qui nous ont manifesté leur grande satisfaction. Un grand merci aussi au proviseur qui a permis aux enseignants de découvrir notre travail et a pris soin de venir s’informer auprès de nous du bon déroulement des séances d’intervention.

* Cette exposition a été accueillie trois fois par le lycée Benjamin Franklin d’Orléans (45).

Raphaël ADJOBI

« Comment devient-on raciste ? » une conférence de Carole Reynaud-Paligot invitée par « La France noire »

La France noire et Carole Reynaud-Paligot          Dans le cadre de la commémoration de l’abolition de l’esclavage 2022, l’association La France noire a invité l’historienne Carole Reynaud-Paligot, coautrice de la BD « Comment devient-on raciste ?» (Édit. Casterman) pour deux conférences à Joigny (89) le jeudi 19 mai. La première séance s’est déroulée devant les lycéens et les élèves des classes de troisième du groupe scolaire Saint-Jacques. La seconde – tout public – a été l’occasion de rassembler des mouvements associatifs de la ville désireux d’une plus grande cohésion dans la lutte contre le racisme.

Capture pour blog 2          Les questions des jeunes ont montré qu’ils étaient conscients du fait que le racisme est une culture véhiculée par les adultes eux-mêmes ; des adultes qui traînent un passé fait du mépris de l’autre, de la valorisation de leur supériorité. Ce qui explique le besoin de ces jeunes de comprendre les mécanismes de cette haine de l’autre. La question : « comment combattre le racisme ? » a été posée lors des deux séances. La réponse de la conférencière, appuyée par le président de La France noire, a été claire : multiplier les rencontres avec la jeunesse afin de semer des connaissances sur ce fléau avec l’espoir de l’en préserver. Car l’ignorance entretient le racisme ; elle est le terreau sur lequel se développent les idées sans passer par le filtre de la réflexion. La conférencière a souligné le fait que essentialiser l’autre (lui attribuer des caractères propres immuables) pour l’inférioriser répond à un besoin de domination et d’exploitation mais aussi à un désir d’asseoir un nationalisme qui s’appuie explicitement ou implicitement sur la notion de « race » ; notion de « race » que les scientifiques assurent pourtant ne pas exister dans l’espèce humaine. Malheureusement, a-t-elle ajouté, dans l’histoire de l’humanité, il y a périodiquement des individus ou des groupes prêts à réactiver le mécanisme d’essentialisation et de hiérarchisation pour manipuler les masses à leur avantage. Et toujours, ces individus ou ces groupes trouvent des intellectuels, des scientifiques peu scrupuleux et des opportunistes pour applaudir.

Raphaël ADJOBI

L’Yonne Républicaine et la commémoration 2022 de l’abolition de l’esclavage à Joigny

Commém. mai 2022 Yonne républicaine

Depuis 2016 que l’association La France noire et la mairie de Joigny (89) commémorent l’abolition de l’esclavage, c’est la première fois que le journal départemental y consacre un article digne de l’événement ! Après des années de mépris et une humiliation, un jeune journaliste vient enfin de faire preuve d’un réel intérêt pour cet événement national. Il faut dire que si les préfets ont obligation d’organiser une cérémonie dans la capitale de leur département, cette obligation ne concerne pas les maires. En l’absence donc d’une volonté politique pour inscrire le 10 mai dans le calendrier national – voire même d’en faire un jour férié – chacun(e) fait avec sa sensibilité humaine, politique, de solidarité citoyenne, et le bon désir ou l’indifférence des associations de sa localité. En d’autres termes, presque rien ! Toutefois, en 2021, une circulaire du premier ministre soulignant « la nécessité de rappeler la place que l’esclavage (des Noirs) occupe dans notre histoire nationale » ainsi que la nécessité de « valoriser la part de la diversité française en rapport avec cette histoire » donnait mission aux préfets d’inviter les maires « à organiser une cérémonie similaire (à la leur), ou tout autre initiative, notamment culturelle en rapport avec la mémoire de l’esclavage ». Un an après cet appel ou cette invitation, Joigny semble demeurer la seule municipalité de l’Yonne, et peut-être même de toute la Bourgogne, à se souvenir de cet événement !

Commémoration de l’abolition de l’esclavage du 10 mai 2022 : le racisme au coeur du discours du président de « La France noire »

17 mai 2018         Cher(e)s ami(e)s, Mesdames et messieurs les responsables des organisations associatives, merci d’être parmi nous ce soir pour commémorer ensemble l’abolition de l’esclavage des Noirs dans l’océan indien et dans les Amériques.

         En effet – et ce n’est qu’un rappel – c’est en vertu du décret du 31 mars 2006 qu’est célébrée chaque 10 mai (je cite) « la journée nationale des mémoires de la traite, de l’esclavage et de leur abolition ». C’est donc la 16e fois que cette journée honore les ancêtres des Français noirs (victimes de la traite et de l’esclavage) et cela sans rien enlever à leurs compatriotes blancs. Bien au contraire, cette journée est l’occasion de réfléchir ensemble aux événements qui ont scellé notre destin et nous permettent de dire que nous avons un passé en commun qui conditionne la construction de la république d’aujourd’hui. En d’autres termes, cette journée a pour but de favoriser la prise de conscience du fait que la France s’est construite et se construira toujours avec la vie et l’engagement des femmes, des hommes et des enfants – quelque soit leur origine et leur culture. La France n’a pas été construite par l’esprit de quelque génie pour qu’on nous fasse croire qu’elle est la continuité d’une même population depuis la nuit des temps ! Non, la France n’est pas un mythe ! Elle n’est pas un mythe créé pour justifier une imagerie devant remplacer la réalité qui fait d’elle un pays éclaté sur plusieurs continents et plusieurs océans.

          Pour paraphraser la jeune actrice américaine Anne Hathaway, je dirais ceci : si certaines personnes sont vraiment convaincues qu’elles sont placées au centre du mythe selon lequel toutes les races gravitent autour de la blanchité (de la peau blanche), alors ces personnes doivent reconnaître qu’elles causent un un grand dommage aux autres. A La France noire, nous savons très bien – comme cette jeune dame américaine – que ce mythe de l’homme blanc supérieur ou placé au centre du monde, au centre de l’humanité, est bien réel dans l’esprit de beaucoup de personnes. Et parce que ce mythe est ancien, ces personnes y croient. Parce que ce mythe est devenu une habitude, ces personnes pensent que c’est la norme. Parce que ces personnes ont reçu ce mythe en héritage, elles pensent qu’il est immuable, universel et éternel. Les conséquences de cette croyance en ce mythe sont absolument dangereuses parce que ce mythe privilégie un certain type de corps, un certain type de couleur de peau et ne donne pas la même valeur à tout ce qui n’y ressemble pas. Ce mythe, mesdames et messieurs, a été construit dans les esprits avec l’invention du racisme au XIXe siècle ! Et nous devons y prêter une grande attention si nous voulons le combattre.

          Avant l’invention du racisme, les populations d’Afrique et d’Europe qui se côtoyaient depuis l’Antiquité savaient que les uns avaient la peau tirant sur le rose et les autres la peau tirant sur le marron ou le noir. Mais les uns et les autres se désignaient par leur origine, leur terre d’appartenance. Jamais par la couleur de leur peau ! Ainsi, pour les Européens, les populations d’Afrique étaient des Égyptiens, des Éthiopiens, des Koushites ou des Nubiens. Et à partir du VIIIe siècle, au moment où les Arabes envahissent la péninsule ibérique avec dans leurs armées des soldats issus su Sahara et du sud de ce désert, un autre nom désignant les Africains est apparu : les Maures ! Oui, Mesdames et messieurs, avant le XIXe siècle, les Européens ne nommaient pas les peuples de la terre par la couleur de leur peau ! Le mot « noir » n’était qu’un adjectif qualificatif ; pas un nom ! Ainsi, jusqu’au XVIIIe siècle, n’importe quel chrétien savait que Saint-Maurice était un africain et donc un homme à la peau marron ou noire. Car on savait à l’époque que le nom Maurice vient du mot Maure, désignant un Africain, un homme à la peau sombre. Aujourd’hui, très peu de gens le savent.

          C’est donc depuis le XIXe siècle que, par le caprice et la volonté de nuire à d’autres peuples de la terre, des pseudo-scientifiques ont divisé l’humanité en catégories de couleurs, puis ont attribué à chacune des couleurs des caractères propres, et à partir de là ont établi une hiérarchie entre les humains : des meilleurs à la peau claire et les mauvais à la peau sombre.

          Comme tous les mythes, le racisme – cette obligation pour les autres couleurs de peau de se définir par rapport à la couleur dite « blanche » – a été imaginé, inventé pour justifier une réalité : celle de la déportation des Noirs puis leur mise en esclavage sur les terres étrangères des Amériques. C’est donc pour justifier la traite et l’esclavage des Noirs, que certains ne comprenaient pas ou dénonçaient, que l’on a produit ce récit imaginaire appelé racisme.

          Oui, Mesdames et Messieurs, le racisme est un mythe, un récit imaginaire qui fonctionne très bien parce qu’il rassure ceux qui ne veulent rien avoir à se reprocher quoi qu’ils fassent ; ceux qui sont toujours soucieux de leur dignité. Et notre exposition « L’invention du racisme et la négation des traces de l’homme noir dans l’histoire de l’humanité » vous montre la naissance de ce mythe, les moyens mis en place en Europe et dans les Amériques pour le propager ainsi que ses conséquences à travers le monde. Notre exposition montre aussi que le mythe du racisme fonctionnait tellement bien en Europe que certains ont eu la bonne idée d’inventer un mythe dans le mythe ; ils estimaient que tous les « Blancs » n’étaient pas de vrais blancs et ont donc établi une échelle de la blancheur parmi les Européens, autorisant ainsi l’élimination des Blancs indésirables pour que demeure la catégorie qu’ils appellent la race blanche pure ! Cela s’appelle l’eugénisme. Cette partie de notre exposition est à découvrir absolument pour bien comprendre la pensée européenne hier et aujourd’hui, et singulièrement le génocide des juifs au milieu du XXe siècle.

          Au regard de ce qui vient d’être dit, Si vous lisez quelques textes du XIXe et de la première moitié du XXe siècle, vous serez surpris par ce que les Européens ont pu dire des Africains, des Asiatiques, des populations autochtones des Amériques et même de certaines populations européennes. Ces Européens avaient presque la ferme conviction qu’ils étaient des demi-dieux. Ils avaient le sentiment qu’ils étaient sur terre par la volonté du Dieu créateur pour baptiser tous les autres êtres et dire qui mérite ou ne mérite pas leur considération. Oui, l’homme blanc s’était en quelque sorte attribué le même rôle qu’Adam de la Bible au début de l’humanité lorsque celui-ci était tout seul sur la terre. En effet, selon la Bible, Adam fut chargé de donner un nom aux bêtes et aux oiseaux de la nature que Dieu avait créés. C’était donc lui qui conférait une identité aux bêtes et aux oiseaux. C’est sur ce modèle que l’homme Blanc s’était arrogé le droit de baptiser tous les peuples de la terre, de les caractériser ou les essentialiser et de les hiérarchiser. Mais une autre lecture de la Bible est possible. Les bêtes, les animaux créés par Dieu avaient sans doute déjà tous un nom et Adam, censé les connaître, devait prononcer leur nom à haute voix pour se les remémorer – comme un enfant, un tout petit enfant qui apprend sa leçon dans l’exercice de l’apprentissage d’un langage qu’il devra plus tard transmettre à sa femme Eve puis à sa postérité. Oui, mesdames et messieurs, chaque peuple a conscience de son existence et des récits de son passé. Aucun peuple n’a donc le droit de dire l’histoire de l’autre, et ce qu’il vaut !

          Cette exposition montre de manière très simple que lorsqu’on a rangé les humains dans des catégories de couleurs, et surtout lorsqu’on a affecté à chaque couleur un caractère particulier, et qu’enfin on a pris soin de les hiérarchiser du plus mauvais au meilleur, tout devient permis contre les catégories inférieures. Cela établit donc une sorte de violence en cascade : la couleur de peau placée au sommet peut mépriser les trois autres, celle en deuxième position les deux autres, celle en troisième position la dernière ; et quant à la dernière, c’est bien fait pour elle puisqu’il est dit qu’elle est maudite depuis la nuit des temps, que dépourvue de tout génie humain elle n’a jamais rien produit de bon depuis le début de l’humanité.

          En clair, Mesdames et Messieurs, le racisme est un mythe inventé par les Européens à une époque précise pour justifier leur pouvoir ; mais ce mythe perdure. Il convient peut-être d’apprendre les mythes des autres peuples afin de relativiser celui des Européens donné en héritage parmi nous depuis deux siècles.

Je vous remercie.

Raphaël ADJOBI