Le mercredi 8 mars, en début de soirée, les autorités de la ville de Joigny (89300) ainsi que des représentants d’associations joviniennes se sont réunis autour de Monsieur Bernard Moraine, maire de cette cité, pour déclarer Olympe de Gouges reine de la médiathèque de Joigny. Entendez par là que cette maison de culture porte désormais son nom. Une Statue – œuvre du sculpteur Jacques Canonici, résidant à Pontigny – a été dévoilée pour l’honorer et fêter par la même occasion la journée internationale des droits des femmes. Cette cérémonie s’est déroulée en présence de l’ancien ministre et Sénateur Henri de Raincourt et ponctuée par la belle contribution de Madame Béatrice Kerfa, directrice de l’office du tourisme de Joigny et membre de l’agence départementale du développement touristique.
C’est justement madame Béatrice Kerfa qui a eu l’honneur de retracer la vie et surtout le combat humaniste et forcément politique d’Olympe de Gouges. Un récit fait du portrait d’une femme volontaire et pleine de conviction. Le combat de cette jeune provinciale du XVIIIe siècle pour une égalité parfaite entre les hommes et les femmes a été formalisé par sa Déclaration des droits de la femme devenue célèbre en ce XXIe siècle.
Aujourd’hui que ses idées et son combat sont mis à l’honneur, on oublie qu’au XVIIIe siècle – c’est-à-dire il y a plus de deux cents ans – il n’y avait pas que les femmes qui étaient exclues de la déclaration des droits de l’homme. Olympe de Gouges savait que les Noirs étaient aussi exclus de cette déclaration qui se voulait universelle ! Il convient donc de souligner qu’elle a mené de front deux combats : la défense des droits des femmes et celle des droits des Noirs. D’ailleurs, les colons esclavagistes ne lui ont jamais pardonné sa pièce de théâtre Zamore et Mirza ou l’heureux naufrage* qui traite de l’esclavage des Noirs dans les colonies françaises. Elle a été décapitée parce qu’elle était royaliste mais aussi parce qu’elle soutenait très ouvertement la cause des Noirs. Rappelons que Nicolas de Condorcet, Jacques Brissot et Etienne Clavière qui étaient les chefs de file de La société des amis des Noirs ont été ou guillotinés ou suicidés.
C’est pourquoi nous aimerions que le féminisme français de ce XXIe siècle ait dans son combat une vue aussi large que celle d’Olympe de Gouges. Nous aimerions que les femmes françaises de la métropole sachent que leurs sœurs de nos îles lointaines ne jouissent pas toujours des mêmes droits qui leur sont accordées à Paris, à Nantes ou à Strasbourg. Les avortements forcés pratiqués et les stérilisations à grande échelle dans les îles durant des décennies pour limiter le nombre d’enfants noirs – particulièrement à la Réunion – au moment même où cette pratique était interdite et même criminalisée en France métropolitaine prouvent cette douloureuse injustice (La vidéo à la fin de l’article).
Parce que nous savons que le féminisme de la France hexagonale n’a jamais pris en compte ces crimes que constituent les mesures françaises appliquées aux femmes des Antilles, de la Réunion, de la Guyane et de la Nouvelle Calédonie, nous voudrions ici rappeler aux femmes de la métropole que mener le combat féministe dans la totale ignorance de ce que vivent leurs sœurs de ces régions de France, c’est refuser de partager avec elles les fruits de leur combat. Olympe de Gouges vous dit par le sien mené sur deux fronts que cette attitude est aussi criminelle que celle des hommes à votre égard.
Rien ne sert de mener un combat féministe en France si dans notre pays les femmes blanches négligent le sort que nos dirigeants réservent à une catégorie de la population française à la peau plus foncée. D’autre part, avant de se lancer dans la défense des femmes d’autres contrées de la terre, il serait bon de faire un état des lieux précis de l’ensemble de la France.
Si le logo de notre association – La France noire – comporte un arc de cercle autour de la France hexagonale, c’est justement pour symboliser la nécessaire prise en considération de ces territoires français que l’on ne voit pas et que l’on n’enseigne pas mais qui existent bel et bien. La France noire vous rappelle donc que dans le combat que vous menez, vous ne devez pas abandonner au bord du chemin vos sœurs à la peau bronzée du bout du monde.
* Zamore et Mirza ou l’esclavage des noirs. / LA VIDEO
Raphaël ADJOBI